2018年三月份《律師公會》報刊封面 |
Projet Panorama
Comment
augmenter la présence des minorités ethnoculturelles dans la profession ?
Dans
la continuité du projet Panorama, un panel sur la diversité a été organisé à la
Faculté de droit de l’Université de Montréal, le 29 janvier dernier. Julie
Perreault
L ors de l’événement animé par le bâtonnier
du Québec, Me Paul-Matthieu Grondin, les panélistes Mes Karine Joizil, Selena
Lu et Sheel Chaudhuri étaient invités à se prononcer sur le faible nombre
d’avocats issus de groupes ethnoculturels, les raisons derrière ce constat et
les moyens pour améliorer la situation autant de la part des employeurs que de
celle du Barreau.
Une
sous-représentation des groupes ethnoculturels
Partageant avec l’assistance quelques statistiques
criantes issues du document Portrait de la diversité — Barreau-mètre « Sous la
loupe de la diver- sité 2017 », le bâtonnier a notamment mentionné que
seulement 7 % des 26 500 avocats s’identifient à un groupe ethnoculturel
comparativement à environ 11 % pour la société québécoise. Pour Me Chaudhuri,
ce faible taux s’explique par des obstacles structurels. « Il y a plusieurs
facteurs qui entrent en ligne de compte. Mais principalement, je crois que le
problème réside dans les obstacles structurels. Par exemple, est-ce qu’il y a
des gens au sein des comités d’admission, dans les bureaux ou dans les écoles
qui sont sensibilisés aux minorités ethnoculturelles ? Sont-ils eux-mêmes
membres issus de groupes ethnoculturels ? », soulève Me Chaudhuri.Dans le même ordre d’idées, Me Lu croit aussi qu’il y a certaines barrières à l’entrée, notamment en ce qui a trait au curriculum vitae. « À la course aux stages, on regarde le CV. Il faut que les notes soient bonnes. Que l’étudiant ait fait du bénévolat, occupé des postes de leadership, voyagé, qu’il maîtrise plusieurs langues, etc. Pour les gens venant des groupes ethnoculturels, cela peut être très difficile d’avoir tout ça », indique Me Lu. Un autre facteur qui expliquerait le faible nombre d’avocats issus de groupes ethnoculturels, à son avis, serait le manque de modèles provenant de ces groupes. « Règle générale dans la société, on attire et on retient ceux qui nous ressemblent. S’il n’y a pas de minorités où l’on travaille, on n’attire pas de minorités. On tourne en rond », avance de son côté Me Joizil.
Cibles, quotas… à
quoi devrait ressembler l’implication des employeurs ?
Pour remédier à la situation, l’engagement et l’apport
des employeurs apparaissent primordiaux. Mais, est-ce que cela devrait se
traduire par des mesures telles que des quotas et des cibles ? Me Lu penche
pour ces solutions, mais avec une date d’échéance. « Lorsqu’on regarde les
statistiques, pour qu’il y ait du changement, je crois qu’il faut que les
employeurs prennent position. C’est sûr que l’on veut éviter l’étiquette : ah,
il est là pour un quota. Mais, je suis pour les quotas et cibles afin de faire
du rattrapage. Une fois le rattrapage effectué, on pourra enlever le quota »,
explique l’avocate. Ne partageant pas nécessairement le même point de vue que sa collègue, Me Joizil croit que les efforts mis en branle actuellement risquent d’avoir de meilleurs résultats. « Je ne déchirerais pas ma chemise pour m’opposer aux quotas si c’était une avenue empruntée. Mais pour ma part, ce n’est pas la voie que je privilégiais. Je pense que la prise de conscience que l’on a collectivement, le fait que les membres des minorités ethnoculturelles sont de plus en plus présents, que l’on va mieux outil- ler les membres, devrait apporter un changement significatif en termes de nombre pour la diversité au sein de notre profession. Je ne suis pas certaine que l’on bénéficierait de l’étiquette qui pourrait accompagner un quota ou une cible », indique cette dernière.
Son de cloche sensiblement similaire du côté de Me Chaudhuri, qui miserait plutôt sur l’implantation d’une formation axée sur la gestion d’admission et la diversité ainsi qu’une auto-évaluation. « Je crois qu’une formation intergénérationnelle au niveau des politiques pour montrer le côté positif de la diversité serait plus efficace. Car pour moi, le problème est davantage structurel. Pour un vrai changement, je crois que d’accroître les connaissances interculturelles de chacun, travailler ensemble, résultera en un vrai changement plus durable à long terme. Nous avons besoin d’un changement de mentalité plus que des quotas », affirme l’avocat.
Le rôle de l’Ordre,
des facultés et de l’École du Barreau
S’entendant sur le rôle de leader du Barreau, les trois
panélistes ont respectivement mentionné le pouvoir rassembleur de l’Ordre et sa
capacité à amener les parties à discuter. « Panorama, c’est un excellent
exemple de ce que le Barreau peut faire. Rassembler les différents acteurs pour
avoir ce dialogue intergénérationnel et multiculturel, ce partage de connaissances,
pour ainsi éviter les obstacles structurels », illustre Me Chaudhuri. Quant aux
facultés et écoles, ce dernier pense que si ces organisations sont, elles
aussi, sensibilisées à la diversité, les obstacles structurels risquent de se
dissoudre.Soulignant aussi ce travail de réflexion et de dialogue amorcé par le Barreau avec le projet Panorama, Me Joizil croit que l’Ordre doit poursuivre ses efforts afin « que soit mis en place des mesures appropriées dans les cabinets et milieux de travail. Le Barreau est un organe qui va permettre de dresser un portrait plus global et d’aider à ce que des actions concrètes soient prises dans les différents milieux ».
Avec des statistiques et un portrait de la situation en main, Me Lu pense que le Barreau pourrait lui-même implanter des mesures, notamment en mettant en place, ultérieurement, un programme de leadership qui pourrait « créer un pont entre les jeunes avocats issus de la diversité et les employeurs afin de maxi- miser le potentiel (des jeunes avocats). Le Barreau a le pouvoir d’aller chercher des leaders pour qu’ils viennent parrainer, mentorer de jeunes avocats ». Dans cette même ligne de pensée, l’avocate suggère même la création d’un prix décerné par l’Ordre, qui récompenserait les cabinets ayant implanté des mesures pour reconnaître la diversité et l’inclusion.
Un regard optimiste
sur l’avenir
S’adressant à un auditoire composé en partie de jeunes
étudiants lors du panel, Me Lu a voulu leur adresser ces quelques conseils :
« Au niveau du développement, je crois que ce qui va faire une différence,
c’est que les jeunes avocats développent leur réseau de contacts, qu’ils
s’impliquent dans ce qu’ils aiment. Grâce à cela, ils vont connaitre des gens
qui vont les aider à se propulser comme leaders. C’est comme ça qu’ils vont
être en mesure de rentrer dans des cercles d’influence et de changer l’avenir
de demain. Pour rendre la profession plus inclusive, il faut qu’on ait plus de
leaders, que ce soit des femmes, des membres de la communauté LGBT, des minorités
culturelles, etc. » Confiante en demain, Me Joizil considère que nous sommes à un tournant. « L’heure est à l’optimisme. Oui, il y a des réalités qui ne sont pas évidentes, et les défis et les chiffres sont ce qu’ils sont. Mais il y a une prise de conscience en droit ainsi que dans d’autres milieux professionnels. Je crois qu’il faut saisir le momentum. L’espoir est grand et l’avenir donnera raison aux optimistes », mentionne cette dernière.
Partageant ce sentiment, Me Chaudhuri s’est dit lui aussi positif face à l’avenir. « Nous pouvons avancer. C’est vrai que la profession juridique n’est pas au même stade (en matière de représentativité des minorités ethnoculturelles) comparativement à d’autres professions similaires. Nous devons avoir cette discussion dans les bureaux, les écoles… Car nous sommes plus forts ensemble et la diversité, c’est une grande force. On doit trouver des façons de se connaître », conclut l’avocat.